Stéphanie Muzard Artiste engagée et paysanne bio

Stéphanie Muzard  Artiste engagée et paysanne bio

Mille vaches et sans terres sur un plateau.

Mille vaches et sans terres sur un plateau.

 par Stéphanie. juillet 2012.

 Acte I. Le Plateau des Mille Vaches, plat de résistance.

 

Marie-Claire a trente ans, un compagnon et trois enfants. « Paysanne bio » sans terre en Limousin, pour elle, n'est pas une insulte ou une lubie de « gagne petit inutile à la société » - entendre inutile à l'agrochimie dévastatrice et au souci d'accumulation des terres et des biens pour des primes.

NON, « paysanne » c'est un combat noble qui dure depuis 4 ans contre la mafia agricole.  Mafia agricole, je pèse mes mots.  Ce couple est en activité et a un troupeau de brebis, chèvres et vaches, produit et fait de la vente en direct.

La pression et la spéculation foncière sont telles que le système empêche ce jeune couple d'accéder à des terres. Rendez-vous compte : 8000 € de frais de gasoil /an pour se rendre auprès des troupeaux et faire leur métier, en vivre, se nourrir, et nourrir le local, vivre en appartement pendant que d'autres cumulent et bloquent les projets de la production de nourriture d'aujourd'hui et de demain. Ces mêmes autres – les croquants- qui se targuent de « nourrir la planète » avec leur productivisme hors sol et destructeur de l'environnement et du lien HUMAIN. Et encore, quand ils produisent. Certains préfèrent user de prête-noms pour abuser, pour du FRIC encore plus de fric, toujours plus de fric et posséder. Posséder, la belle affaire. Être possédé, ...oui !

Quelques années après le tournage du film « Sans terres et sans reproches » (2007/2009), on peut se poser des questions sur la réelle volonté politique et sociétale d'une partie de la population qui se voile derrière un soit disant conservatisme décadent et pervers plus enclin à nourrir le destin libéral pervers de la mondialisation  que de nourrir ses voisins. Une chose est certaine, le plateau des mille vaches n'est pas accessible à toutes les vaches !



 Acte II . Résistance et peaux de Vaches.



 On ne peut laisser mourir les belles pays'âmes et rester indifférent. Ce sont elles qui nous nourrissent ou aimeraient le faire. Depuis que l'homme existe sur cette planète, c'est l'agriculture naturelle – donc biologique en opposition à la chimique – qui a réussi à maintenir l'espèce humaine sur cette surface d'humus fragile qu'est la belle bleue. Pas les exploités agricoles, ni la pseudo « révolution verte ». Celle-ci a surtout nourri les décharges, les actionnaires, souillé l'eau, stérilisé la fertilité des sols, massacré la biodiversité, bousillé les paysages et breveté le vivant, manipulé semences, végétales ou animales, suicidé et endetté les agriculteurs,…et fait exploser les maladies liées à la malbouffe ou a inventé le marché de la faim, spéculation sur les denrées alimentaires et les semences.

On peut d'ailleurs remercier le chimiste Justus Von Liebig, père de l'agrochimie et du bouillon cube du même nom, inventeur du lait maternel artificiel pour sa contribution à la mise en bière du monde paysan. Voyez, l'arnaque date de si peu. 1845.

 C'est depuis lors que la théorie de l'humus a été combattue par les barons de la chimie, qui ont fait, à grands coups de propagandes et de scientisme, caillé le lait pour en faire du laid.


Acte III . Témoignage, le bon sens près de chez vous... :

 

 « Tu m'as demandé de t'apporter de la matière donc me voici avec quelques données, je te laisse le plaisir de décortiquer tout ça, tu trouveras d'abord un historique que nous avions fait parvenir aux élus siégeant en SAFER en début de lutte, depuis il s'est passé pas mal de trucs mais en gros rien de nouveau, les mêmes embrouilles!!! Je t'épargne notre dossier lutte SAFER avec lettre au commissaire, au gouvernement, pétitions, lettres de soutiens, décorticages du code rural, toutes ces données que nous conservons en espérant pouvoir mutualiser notre expérience. Par contre, je me permets de te joindre quelques articles de la presse locale, bourrés d'erreurs!!!! Mais ça donne une idée. Puis j'ai fait un petite carte pour donner une image de notre installation qui n'en n'est pas une avec des données de kms et de temps passé quotidiennement dans les trajets, pour exemple l'an dernier nous avons dépenser plus de 8000 euros en frais d'essence uniquement pour aller voir les bêtes!!!!Plus que ce qu'on dépense en foin!!! Écologique n'est-ce pas?

 


Et enfin une petite bafouille tentant d'expliquer mon ressenti et ses origines. Bonne lecture je vais essayer de te faire parvenir des photos, mais pas avant ce soir tard après la traite. D'énormes mercis à toi pour le temps pris et l'attention donnée, tu as participé à briser mon sentiment de solitude. Tu es une personne précieuse, prends soin de toi.Je te laisse je dois partir à la traite, sans sommeil mais ce n'est qu'un tour de cadran après tout...

Des bises. Marie-Claire"


 

Acte IV . Cauchemar éveillé d'une réalité d'un sans terres en FRANCE.

Nécrologie contre biologie.

 

« Je voudrais dire ici des choses que l'on ne dit pas habituellement.

Pour ce qui est de notre historique, notre parcours, je ne m'y attarderai pas ici, il ressemble à ceux de nombreux d'entre nous qui avons choisi la voie difficile mais ô combien prenante de la passion comme choix de vie. J'ai dans la tête une somme inimaginable d'anecdotes qui illustrent à merveilles l'étendue des difficultés que nous rencontrons. Ce qui en ressort souvent c'est que malgré un lieu de vie dynamique, solidaire, alternatif, malgré les connaissances, et les vrais amis que l'on compte sur une main, les soutiens tant humains que financiers, écrits ou oraux ; je me sens bien seule face aux moments de doute me voyant à terre. Quelque chose prédomine dans un non-dit constant : nous devons être forts, durs à la tâche, laborieux, ne pas fléchir face aux intempéries et d'autant plus quand on est une femme, nous devons nous tenir droite et cela n'est pas particulier au milieu agricole mais c'est présent à chaque moment.

 Après plus d'un an de véritable lutte, de fermes qui se libèrent en fermes qui ne seront jamais pour nous, nous avons dû rebondir et nous remettre à espérer que la prochaine soit la bonne, espérer mais ne pas trop y croire pour ne pas tomber.

C'est plus de 6 lieux où nous aurions pu poser nos valises pour lesquels nous nous sommes battus et qui sont partis pour la grande majorité à l'agrandissement en un peu plus de 6 mois. Plus de 6 fois à nous stimuler l'un l'autre avec mon compagnon Florent, à faire croire à l'autre que l'on sera plus fort et que si ce n'était pas celle-ci, la suivante sera encore plus adaptée à nos besoins.

Même entre nous nous ne pouvons nous permettre de laisser poindre le découragement, toujours garder une armure, jusque dans son lit, le premier qui tombe emporte l'autre.

Cette semaine, je ne sais pas pourquoi ni comment, un verrou en moi a sauté, les bottes de foin que je voyais lors de mes trajets quotidiens pour rejoindre mes vaches m'ont cassée, j'ai baissé ma garde et j'arrivais à mes vaches en pleurs, honteuse de ne pas savourer le temps passer à leurs côtés.

Encore une année sans pouvoir faire notre fourrage, encore une année à faire un crédit pour nourrir nos bêtes, encore une année sur un lieu qu'on nous prête mais qu'il serait bon de restituer, à se casser le dos en manipulant des bottes de plusieurs centaines de kilos à la main, sans tracteur.

Cet hiver nous le passerons pour la quatrième fois en ce lieu qui se trouve être un provisoire qui s'attarde.

Et les préoccupations quotidiennes deviennent alors soucis, les problèmes insolvables, la lucidité disparaît sous le découragement.

Face aux problèmes financiers on se demande comment réduire nos charges, comment amortir les investissements nécessaires mêmes petits et il arrive qu'aucune question ne trouve réponse, c'est l'abîme. Il faut alors garder le silence pour ne pas emmener le compagnon au fond, c'est la solitude et puis la honte encore.

J'ai honte de faiblir, de vouloir tout plaquer, de me sentir perdue, j'ai honte de ne pas pouvoir m'épanouir dans ma passion, dans mes choix, de ne pas être à la hauteur, je sens l'échec à plein nez et je culpabilise.

 Pourquoi ?

 Je commence à comprendre comment ce sentiment s'est insinué en moi, lentement.

 Nous avons été dévalorisés à maintes reprises par les institutions, la chambre d'agriculture qui nous rit au nez quand on affirme vendre de l'agneau lourd de plus de 12 mois, la DDT, la DRAAF qui refusent nos arguments légaux face à l'injustice, tout en nous faisant sentir que nous n'appartenons pas au même monde et tente de nous intimider, la SAFER, qui en plus de se moquer de nous, a répété par la bouche de son président à plusieurs reprises (à des journalistes de FR 3 notamment) que nous n'aurions jamais rien car nous ne sommes pas du pays, et les voisins, les « exploitants agricoles » ceux qui font 300 et quelques hectares qui s'arrangent entre eux pour tout se partager entre initiés lorsqu'une ferme se libère.

Nous n'avons cessé de nous défendre, d'affirmer que nous sommes dans notre droit, de croire en une justice et pendant ce temps, pendant qu'on a brassé du vent les arrangements se faisaient derrière nous avec condescendance.

Alors oui j'ai honte de baisser la garde face à ceux-là, ils ont finit par me faire me demander: « Peut-être ont-ils raison ? Peut-être que je ne suis pas valable, »

J'échoue sans cesse et je m'obstine.

J'ai ouvert les yeux, on a perdu les batailles les unes après les autres, jusqu'à quand ?

 

Si je ne prends plus autant de plaisirs dans mes tâches, si elles deviennent plus contraignantes, c'est que mon reflet dans les yeux de nos adversaires me montre faible et coupable de ne pas y arriver, coupable de nos propres échecs, je ne me sens plus valable, je ne suis qu'une « gagne-petit » et je ne vaut rien; leur mépris a eu raison de moi.

Comment pourrais-je dire cela dans le milieu ?


 

Pour réduire nos charges et parce que je me sens minable dans mon travail, j'ai mis mes vaches en vente, en moins de 24 heures quelqu'un a appelé très intéressé, je n'ai pas eu la force de le rappeler.

Plusieurs personnes ont tenté de me raisonner ces derniers jours de me secouer, de trouver une quelconque solution et là je ne sais plus rien, je fais mon boulot de transfo à reculons mais je rejoints mes vaches avec plaisir ce n'est jamais une corvée, je les aime je crois.


 

Voilà l'état d'esprit dans lequel je me trouve, que faudrait-il changer pour que ça s'arrange ?

Trouver du terrain autour des terres qu'on nettoie depuis trois ans pour y poser notre atelier et arrêter de faire 110 bornes par jour (voir la carte) ce pourrait être un début et puis construire pour de bons sans peur d'être mis à la porte, notre outil de travail pourrait peut-être me redonner envie et espoir.

 

Je tiens à remercier tous les soutiens, les petits mots, les attentions de chaque personne qui m'a témoigné leur sollicitude, merci de cette générosité et solidarité, la solitude pèse moins ainsi, et pardon à ceux et celles qui se font du mourron pour nous qui ne sommes en définitive qu'un exemple parmi une foule dense d'exclus.

 

Merci.

Marie-Claire Chastel, éleveuse sans terre. »


 Acte III . Le lien solidaire et humain, la mamelle du futur.



 

 

Acte IV. Epilogue. De mamelles en pis, allez !

 

Merci à Marie-Claire de traire tes vaches prénommées, à la main. Les caramels fermiers avec chocolat et tout... qu'elle m'a offert : je soupçonne de la drogue dedans. Certainement à base d'amour mais pas que...

 

« Quand je trait le soir, j'ai ma petite dernière, L.,  16 mois dans mon sac à dos. Pendant la traite je me penche pour reposer le sommet de mon crâne dans un creux entre la cuisse et le ventre de la vache, creux doux et chaud dans lequel je m'endors volontiers, me berçant des mouvements de la traite. Ce soir L. ainsi penché au dessus de moi, de son sac à dos a passé un long moment à caresser nénette notre normande tout en fredonnant un air d'enfant apaisé. C'était une belle image qui m'a suspendu pendant quelques instants. »

 

C'est certainement plus poétique que la vision d'une vache à hublot ou une vache folle….non… ?

 http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2011/02/09/2400178_le-scandale-tranquille-de-la-vache-a-hublot-les-infames-pratiques-de-l-inra-au-nom-de-la-recherche.html


 

Ma Marie-Claire sans terres...Laferme Meuh, je l'écris en public, je m'en fous. En recevant ton petit colis de gourmands savoir-faire de paysanne sans terres ( le bocal était cassé mais j'ai sauvé le contenu malgré les petits bouts de verre, c'était trop précieux à mes yeux...donc si je meurs en mangeant ta préparation ce sera dû à du verre, pas à ma sans terres...)...en voyant tous ces petits présents qui dessinent un acte sucré à une volonté salée, et en lisant tes mots, je pleure d'émotion et je maudis l'injustice et la mafia agricole industrielle... tu sais aussi bien écrire que tu traies tes vaches, avec affection et amour, avec une profonde humanité au sens noble. Oui, ça mets meuh. Je t'aime pour tout le combat que tu mènes et le courage dont tu fais preuve. Gardarem lou paysan. Nous sommes la dernière génération à pouvoir abattre la mafia et sauvegarder ce qui nous est cher. Le sens de la Terre Mère, le cycle de la Vie. Vive les femmes écolos, les semeuses, les mères qui aiment la Terre. Âmitiés au quart à mamelles bios, ;-) Stéphanie.

 

Pas besoin de discours long, voici le roman photo de mon repas fermier d'hier et de l'écoterrorisme utopique dont on nous affuble, ceux-là même pour qui la vache folle est la norme. Bon appétit avec mon plateau repas en direct des mille vaches... écoterrorisme pour les fous de vaches folles à hublot...

 





C'était mon plat de résistance en images, avec mes gros sabots dedans.

Mes sabots d'arrière petite fille de paysans, métayers en Gâtinais (45) et de l'Yonne (89), de la Bretagne, massacrés, qui vous bottent le cul avec ma seule arme : la plume du cocorico, la souris du clavier, le caddy par le panier tricolore multicolore remplacé, l'exode rural, la gourmandise et l'amour.

Je t'aime, Marie-Claire ! Tiens bon ! On n'a plus le choix, on les aura... sinon, viens en Quercy ! Chez nous on veut des paysans, des jeunes, des familles, des vaches dans les prés, des villages vivants, des voisins sympas, et du beurre dans les épinards !


Nous passons "Du coq à l'âme" sans vous, les nécrologiques hors sol de l'ère des fossiles et de son énergie mortuaire.
 Pis c'est marre. Stéphanie.



clip d'appel à souscription du coq à l'âme, le... par babkicoule






Farrebique Intro et Final par 25watts



l'esprit de "du coq à l' âme" clip d'appel n°2 par babkicoule


06/07/2012
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