Imaginez qu’un gouvernement démocratique adopte une loi qui oblige son
ministère de l’Agriculture à « ignorer une décision d’un tribunal qui interdise
la plantation de cultures génétiquement modifiées (OGM) parce qu’elles sont
illégales » (traduction des propos du Sénateur Jon
Tester
de l’État du Montana). Pourtant, c’est exactement ce que
vient de faire le Congrès américain en adoptant une petite clause (article
735
) incluse dans une loi budgétaire pour l’agriculture.

La signature de cette loi par le Président Obama ne permettra plus aux
tribunaux américains d’empêcher la vente et la plantation de plantes OGM même si
elles n’ont pas été approuvées par le processus pourtant déjà laxiste des
autorisations et quelles que soient les conséquences pour l’environnement ou la
santé.

Des organisations ont qualifié cette clause de « Loi de Protection
de Monsanto
», car elle permet à Monsanto et aux autres entreprises
de vendre des semences OGM même si celles-ci ont été déclarées illégales par la
justice. Le Center for Food Safety (une ONG indépendante) considère
cette clause comme étant une forme « d’état
providence pour les entreprises
» comme Monsanto et celles dans le
domaine des biotechnologies agricoles.

Dans tout système démocratique, la justice devrait être un chien de garde
pour s’assurer que tous, incluant les agences gouvernementales, suivent les lois
adoptées par le législateur. Malheureusement, ce n’est plus le cas! Et cela
constitue un dangereux précédent.

L’adoption de la « Loi de protection de Monsanto » a déclenché une colère
publique qui probablement aura l’effet de renforcer le mouvement
pour des aliments sains
aux États-Unis contre le pouvoir des
multinationales agroalimentaires. L’adoption de cette loi devrait nous rappeler
partout au monde de l’influence que certaines entreprises comme Monsanto ont sur
les décideurs politiques afin qu’ils adoptent des mesures nuisibles à
l’agriculture écologique, aux agriculteurs, aux consommateurs et à
l’environnement. L’indépendance des tribunaux est essentielle pour éviter ces
abus. C’est vraiment une journée très triste pour la démocratie et l’avenir de
notre alimentation.

Au Canada, il y aura une journée d’action contre la luzerne de Monsanto
organisée par le Réseau canadien d’action sur les
biotechnologies
et VigilanceOGM le 9 avril prochain.
Vous pouvez aussi visionner cette animation
de 3 minutes qui explique les risques de la luzerne OGM.

Pour plus de renseignements sur la Loi de protection de
Monsanto:

Le programme de 45 minutes de la télévision de Democracy
Now
(en anglais)

Éric Darier est un responsable pour la Campagne agriculture écologique
pour Greenpeace International.

 

 

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http://www.evolutionquebec.com/site/nom/monsanto.html

 

Enquête sur Monsanto



 - Nourrir le monde ou l'agrobusiness

Pour les générations de la première moitié du XXe siècle, l'Allemand Krupp, le Britannique Vickers et le Français Schneider-Creusot étaient devenus synonymes de marchands de mort. Pour ceux qui sont nés après 1945, c'est l'Américain MONSANTO qui a pris cette sinistre succession. Car, aujourd'hui, s'il est une entreprise dont les activités en ont fait le symbole mondial de la nécro-entreprise, c'est incontestablement cette société transnationale qui, de "l'agent orange" à la semence "Terminator" en passant par la production de "BPC", de pesticides et herbicides hautement toxiques, d'hormones de croissance cancérigènes et d'organismes génétiquement modifiés (OGM), a recherché les profits les plus grands en fabriquant les produits les plus nocifs. Tout en affirmant le contraire et en prétendant promouvoir les sciences de la vie et nourrir l'humanité… !

Cette identification de MONSANTO avec la production pour la mort peut même être poussée plus loin encore puisque des liens parfois étroits l'associent au nazisme. Parmi ceux-ci, on notera que MONSANTO est devenu, après la deuxième guerre mondiale, un partenaire de l'IG Farbenfabriken au sein de Chemagrow Corporation. L'IG Farbenfabriken avait apporté un soutien financier décisif au parti nazi dans les années trente et elle avait fabriqué le gaz destiné à Auschwitz au début de la décennie suivante. À Chemagrow Corporation, des chimistes nazis et américains ont travaillé ensemble à la mise au point d'armes chimiques, les premiers partageant avec les seconds le fruit de leurs expériences dans les camps d'extermination de l'Allemagne hitlérienne.

Personne ne sera plus surpris, dès lors, de lire de la plume même d'Edgar Monsanto Queeny, président de cette entreprise à partir de 1943, qu'il se reconnaissait comme "a cold, granitic believer in the law of the jungle". Ce qui est à l'œuvre avec MONSANTO, c'est l'idéologie du plus fort, nourrie des théories économiques des libéraux manchestériens et de leurs disciples de l'École de Chicago.

Alors que les productions de MONSANTO sont autant d'atteintes aux droits fondamentaux des êtres humains, les gouvernements réagissent au mieux par l'indifférence, au pire - et le plus souvent - par la complicité. Face à cette désertion de ceux qui sont censés exercer la responsabilité de l'intérêt général, il ne reste plus aux citoyens qu'à prendre en charge eux-mêmes la qualité de leurs moyens de subsistance et de leur cadre de vie. Ce qui commence par l'information.

Le livre qu'offre Isabelle Delforge à toute personne attentive à la manière dont les acteurs économiques façonnent nos vies est un cri. Un cri de la société civile. Un cri citoyen. Dans la lignée d'une Susan George ou d'une Viviane Forrester, l'auteur nous fournit des clés pour se désintoxiquer des mensonges des acteurs politiques, des manipulations de la publicité et des imprécisions d'une presse trop souvent silencieuse, presque toujours caricaturale et parfois même complaisante. Le livre qui nous est proposé ne nous apprend pas seulement l'histoire d'une entreprise américaine devenue un géant mondial de l'agrochimie. Il nous montre comment une entreprise transnationale devient peu à peu une pieuvre dont les tentacules enferment les peuples de tous les continents et prend progressivement le contrôle du plus vital de tous les secteurs : la chaîne alimentaire et sanitaire.

En agissant sur l'alimentation et sur la santé, on s'assure un contrôle absolu des peuples placés ainsi dans une dépendance totale. Aldous Huxley et Georges Orwell sont dépassés par la réalité. Selon la formule utilisée par un de leurs cadres, "la captation de la totalité de la chaîne alimentaire" est l'objectif ultime des transnationales de l'agrochimie. La fabrication d'OGM et le brevetage du vivant en sont les moyens techniques. L'Union Européenne et l'Organisation Mondiale du Commerce fournissent le cadre légal.

Pour protéger et accroître la production agricole, MONSANTO propose des pesticides et des herbicides. Les performances toujours plus poussées de ceux-ci finissent par mettre en péril la plante même qu'on veut protéger. Plutôt que de remettre en cause le productivisme à l'origine de cet usage intensif de produits qui empoisonnent les sols et les réserves en eau, qui ont un impact sur la santé des animaux et des consommateurs et qui grèvent le budget des exploitants agricoles, plutôt que de donner à la recherche l'objectif de diminuer la nocivité des produits de traitement, MONSANTO et les autres géants de l'agrochimie préfèrent recourir aux manipulations génétiques sur le vivant. Car l'objet de la recherche, ce n'est pas l'amélioration de la qualité de la vie et de l'environnement, c'est l'invention de ce qui est susceptible de devenir commercialisable. On crée donc des espèces végétales MONSANTO qui résistent aux pesticides et aux herbicides MONSANTO. Et à eux seuls. Le lien de dépendance est établi puisqu'il faut nécessairement avoir recours aux uns et aux autres pour garantir la production. "Chaque graine génétiquement modifiée est la propriété de son inventeur" souligne José Bové, qui ajoute "Les OGM sont une technique de domination et la brevetabilité est le principal outil permettant cette domination". Car, pour conforter et étendre ce lien de dépendance à l'ensemble de la planète, MONSANTO fait breveter les OGM. Ces brevets sont protégés par les règles sur le brevetage du vivant imposées à tous les pays par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et, dans l'Union Européenne, renforcées par une directive du 6 juillet 1998 dont la portée est plus large encore et qui est, en outre, imposée aux "partenaires" de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Mais cela ne suffisait sans doute pas. Pour garantir une "captation" totale de la chaîne alimentaire et empêcher toute velléité d'indépendance des paysans, le "génie génétique" est devenu faustien : il a donné naissance à une semence qui ne germe qu'une fois, grâce à l'introduction d'un gène auto-destructeur. C'est la semence Terminator dont MONSANTO a acquis les droits. Elle rend impossible le recours traditionnel à la semence fermière, c'est-à-dire la semence prélevée dans la production de la récolte précédente, ce qui oblige le paysan à acheter chaque année de nouvelles semences. On comprend dès lors l'indignation d'un José Bové : "Ces pratiques violent le droit ancestral, millénaire, et reconnu partout dans le monde, à prélever sur sa récolte pour celle à venir". L'annonce récente par MONSANTO de l'abandon de cette semence n'empêche pas sa fabrication par d'autres firmes et, en particulier, sa commercialisation prochaine par son inventeur, la firme Delta & Pine Land Co. La technologie Terminator a fait l'objet d'une trentaine de brevets détenus par différentes sociétés transnationales agrochimiques.

Afin de s'assurer le contrôle de la chaîne alimentaire mondiale, "de la graine à l'assiette" comme dit José Bové, les transnationales de l'agrochimie, MONSANTO en tête, s'emploient désormais à étendre la pratique des manipulations génétiques et du brevetage à toutes les espèces vivantes susceptibles de servir comme aliments ou comme médicaments dans l'ordre végétal, mais également dans l'ordre animal où le recours aux hormones ou autres activateurs de croissance, l'emploi de farines animales fabriquées à partir de composants dangereux pour la santé (quand il ne s'agit pas tout simplement d'excréments ou d'huiles de vidange...), l'usage intensif d'antibiotiques, montrent déjà que l'objectif n'est pas de fournir une alimentation de qualité, mais de satisfaire la recherche de profits toujours plus grands par les branches pharmaceutiques de l'agrochimie mondiale.

Avec les OGM et le brevetage du vivant, un mécanisme de la servitude se met en place où paysans et consommateurs du monde entier deviennent les otages des transnationales du complexe agrochimique.

Au nom d'un objectif défini non pas en fonction des besoins réels des peuples, mais bien en fonction des profits recherchés par ceux qui agissent en amont comme en aval de la production agricole, un productivisme frénétique conduit à des pratiques dommageables pour des milliards de personnes dans les pays du Sud, mais également et de plus en plus, dans les pays industrialisés. Sans que les paysans aient formulé une demande, sans qu'ils aient été consultés et sans qu'ils aient pu exprimer un choix, un modèle productiviste leur a été imposé.

La généralisation des OGM brevetés dans le cadre des politiques prônées par l'OMC va dépouiller les peuples du Sud de leurs ressources naturelles et maintenir sinon accroître la famine et la malnutrition. Elle favorise déjà l'exode rural et la désertification des campagnes tout en provoquant la destruction massive des écosystèmes. D'un point de vue sanitaire, elle fragilise, par les incertitudes qui demeurent, la qualité de la chaîne alimentaire tout en déclenchant, ce dont on est certain, des mécanismes susceptibles de rendre incurables certaines maladies chez les plantes, les animaux ou les humains. Enfin, l'introduction dans l'ordre naturel de variétés génétiquement modifiées provoque une "pollution génétique" dont les conséquences sont à ce jour totalement imprévisibles.

Mais de tout cela, MONSANTO n'a cure, puisque, selon son directeur de la communication, "Nous n'avons pas à garantir la sécurité des produits alimentaires génétiquement modifiés. Notre intérêt est d'en vendre le plus possible". Propos qui ne seront pas contredits par ceux qui, à l'OMC, fournissent le cadre légal aux pratiques des entreprises transnationales agrochimiques dont MONSANTO constitue à la fois une avant-garde, un modèle achevé et un symbole.

Quand la qualité de la vie et la sécurité sanitaire laissent indifférents ou négligents la plupart des décideurs politiques, crispés sur le court terme et sensibles aux pressions des milieux d'affaires, quand les acteurs économiques refusent toute fonction sociale et privilégient la recherche effrénée d'un profit toujours considéré comme insuffisant, quand la recherche scientifique, délaissée par les pouvoirs publics, doit vendre son indépendance aux bailleurs de fonds privés et renoncer dès lors à sa capacité critique et à une interrogation permanente sur son rôle dans la société, ce qui triomphe c'est une organisation marchande du monde. Au bénéfice exclusif, mais considérable d'une toute petite minorité d'individus et de ceux qui sont à leur solde.

Cette dérive est voulue par les sociétés transnationales et acceptée par leurs relais dans la classe politique. Les accords de l'Uruguay Round gérés depuis 1995 par l'OMC lui ont fourni un cadre légal et l'illusion de la légitimité. Mais ils ont favorisé en même temps une prise de conscience planétaire des enjeux vitaux auxquels les femmes et les hommes sont aujourd'hui confrontés. Le livre d'Isabelle Delforge, qui nous dévoile les objectifs et les méthodes d'un des plus importants acteurs de la marchandisation de la planète, nourrit cette prise de conscience. C'est un outil indispensable pour la construction d'un monde citoyen.


Le livre Enquête sur Monsanto, par Isabelle Delforge. Publié à Bruxelles par Les Magasins du Monde Oxfam et Oxfam-Solidarité, à Poitiers par Orcades et à Lausanne par la Déclaration de Berne, mai 2000, 110 pages





Dr. Raoul Marc JENNAR, URFIG/Fondation Copernic, printemps 2000


Source : Stop-Monsanto.org, www.stop-monsanto.qsdf.org